Il flotte dans l’air toute l’atmosphère de Noël, des soirées au coin du feu à conter des histoires… C’est peut-être la raison pour laquelle j’avais envie de parler d’histoire et d’histoires. Il y a quelques mois, je prenais connaissance avec le travail de Cécile Girardin et son intriguante « agence d’écriture ». Entre autres projets passionnés et passionnants (création d’un jeu de l’oie géant, écritures de livres,contes et pièces de théâtre), Cécile a travaillé sur un Storytelling pour la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Deux-Sèvres (Niort).
C’est une initiative de la CPAM que je trouve très intéressante, car c’est ce fil narratif dont les assurés, les citoyens ont besoin pour s’approprier le système et le faire leur. L’interview de Cécile, conceptrice-rédactrice, auteure, directeur artistique, est à ce sujet très engageante… Alors, quelle histoire pour la santé ?
Pour en savoir plus sur cette initiative : lisez la 4e de couverture du livre à paraître…
A trop raconter des histoires, n’oubliez pas de nous raconter la vôtre. Qui êtes vous ? Comment nous expliqueriez-vous le métier de « raconteur d’histoire » ?
Je suis une historienne de l’art qui aime se balader dans les entreprises, aller à la rencontre des salariés et des patrons. J’aime qu’ils me racontent leur vie !
Non, sérieusement, je pense que les choses racontées ont plus d’impact que lorsqu’elles sont simplement énumérées. Le storytelling permet de donner du sens aux évènements. Je ne suis jamais loin de ma formation universitaire d’historienne : le contexte de l’information est important. Mais j’ai cette fantaisie et ce souci du lecteur qui me pousse à tendre vers une écriture dynamique et évocatrice des faits. Un exemple. Le discours des vœux d’un PDG fait partie de mes « sources ». Or redonner dans le livre le texte tel qu’il est n’a pour moi aucun intérêt, puisque tout le monde l’a déjà entendu, enfin pour ceux qui écoutaient… Si le patron parle des projets de l’année future, comme une construction par exemple, je préfère assister à la réunion avec l’architecte. L’impact est différent. Je concrétise les idées en me servant du quotidien de l’entreprise. Parler des idées sans les confronter à la réalité est contre productif. Tout l’intérêt de mes histoires est de lier le monde des idées à celui du terrain.
Vous avez entrepris un storytelling avec la CPAM de Niort… Qu’a-t-on à dire d’une CPAM ?
La CPAM de Niort m’a commandé un livre à l’occasion d’un emménagement dans de nouveaux locaux. Comment la Sécurité Sociale s’était-elle installée en 1945 à Niort ? Que sait-on sur les Assurances Sociales en 1930 dans les Deux-Sèvres ? Et avant ces lois, quelle était l’action de l’État en matière de santé ? Mais, encore une fois, au-delà des lois, des faits, comment les choses se sont-elles mises en place sur le terrain ? Une entreprise est faite d’hommes et de femmes, de salariés, d’élus. Qu’ont-ils fait à Niort pour concrétiser cette loi ? Le travail d’historien est considérable, des jours et des jours à lire les délibérations des conseils d’administration de la caisse, à croiser ces informations avec les mutuelles en place… sur le plan local et départemental. Un travail aussi de « journaliste » auprès des salariés d’aujourd’hui et d’hier pour comprendre le sens qu’ils donnent, donnaient à leur mission.
Qu’avez-vous aimé dans ce projet ?
Pour vous, de quelle histoire devrait-on égayer le monde de la santé ?
Je crois qu’il manque une histoire simple de la santé ! Le système est complexe et on s’y perd. À tel point que j’ai pu entendre de la part d’assurés que « la Sécu c’est gratuit ! » Remarquez, cet assuré-là, je pourrais le suivre dans sa découverte d’une caisse primaire…
J’ai connu votre travail via un tweet lors de la conférence Health 2.0 Europe. A votre avis, quel fil lie la Sécurité Sociale à ses débuts et aujourd’hui le tournant 2.0 qui s’amorçe ?
En 1945, les conseils d’administration étaient composés pour 2/3 de représentants des salariés et pour 1/3 des représentants des employeurs. En 1947, le 24 avril, ont lieu les premières élections à la Sécurité sociale. Le projet politique ambitionnait la gestion des caisses par les intéressés eux-mêmes. En 2010, je me demande si le Web 2.0 ne peut pas rendre les assurés « intéressés » ?! Soixante-cinq ans ont passé et on mesure l’écart entre « l’instrument de solidarité » (selon une expression de Pierre Laroque, directeur général de la Sécurité sociale de 1944-1951) et notre accoutumance détachée à la formule souvent répétée depuis 1963, « trou de la Sécu ». Le Web 2.0 a cette capacité de mobiliser, de créer du lien, de redonner du sens et d’adopter un ton nouveau. À votre question, quel fil lie ? J’aimerais bien répondre les « intéressés eux-mêmes ».
Et pour nous enchanter un peu, quelle est la mission la plus sympathique que vous avez accompli en storytelling ?
Dans mes propos, j’ai associé le storytelling à l’entreprise, or on m’a demandé de donner une âme à une marionnette géante que des artistes s’apprêtaient à fabriquer pour un quartier défavorisé. J’ai écrit un conte et cette marionnette existe depuis deux ans maintenant, elle s’appelle Galuchette. J’ai travaillé avec un illustrateur pour éditer le livre de conte. J’ai raconté le quartier à travers elle. Elle est aujourd’hui la mascotte du quartier…
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Merci beaucoup Cécile pour cette interview, et très beaux projets pour la suite de votre agence d’écriture ! Chers lecteurs, je vous conseille de lire son site et ses travaux, qui moi me font envie, m’enchantent même et me prêtent à rêver…
http://www.cecile-girardin.fr/