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E-réputation : le bon laboratoire, la brute Google et… le réseau social

Hopscotch, agence de conseil en relations publiques, a publié un « baromètre de l’e-réputation des laboratoires pharmaceutiques » avec force retours médiatiques et digitaux. On y trouve des points pertinents concernant la présence de l’industrie pharmaceutique sur internet : une faible notoriété pour les recruteurs, ou une liste de thématique éveillant l’intérêt des internautes pour les laboratoires pharmaceutiques (diapositive 21).

Le titre est alléchant. Trop peut-être ? Le sujet est spécialisé, mais traité de façon incomplète. Il y a anguille sous roche, je dirais même plus, mammouth géant sous caillou. Et je me permets de relever quelques incohérences et de nombreux manques dans cette étude qui recense et analyse les principales sources d’information sur les laboratoires.

E-réputation : définition, méthodologie

La e-réputation est devenue incontournable dans la communication digitale – un buzzword 2010. Essentielle dans la communication digitale, son audit est un point de départ pour bâtir un plan de communication digital ET global : quelle réputation avons-nous aujourd’hui ? quelle réputation souhaitons nous in fine ?

Or comme le souligne très justement Hospcotch dans sa méthodologie qu’est-ce que la e-reputation si ce n’est la réputation des entreprises rapportée au canal spécifique qu’est le web et aux internautes? Sauf que forte de ce constat, Hopscotch ne mène pas sa réflexion jusqu’au bout. Faut-il vraiment mesurer l’e-reputation d’une marque à l’aulne du nombre de requêtes faites sur Google ou de la tonalité des premiers liens qui apparaissent dans le célèbre moteur de recherche ?

Camille Saint Paul, fondatrice de l’agence 5e RUE, propose d’autres pistes de réflexion :

Le web joue comme un catalyseur de réputation : à l’image d’une rue, l’information y circule plus vite, dans un espace « raccourci ». Mais derrière tout internaute, il y a toujours un consommateur, un élu, un salarié, un investisseur… Derrière une e-réputation se joue avant tout une réputation. En termes de mesure et d’évaluation, ceci a deux conséquences :

1/ certes dans un contexte où le web occupe une place de plus en plus importante dans le quotidien tant des citoyens que des journalistes, des salariés…, il est intéressant (voire pour certaines marques, primordial) d’analyser le web comme un espace « fermé » et de comprendre ce qui s’y dit, ou comment la marque s’y positionne ;

2/ cependant, le web n’étant qu’un canal (et un canal à certains égards « déformant », seule 8% de la population y contribuant) le seul instrument fiable qui existe pour comprendre les ressorts d’une réputation sur le web et l’attente des consommateurs qui y évoluent reste le sondage ou l’étude qualitative croisé avec l’analyse des comportements media de la cible.

Une e-réputation se fonde-t-elle uniquement sur le nom de la marque ?

Hopscotch a défini sa méthode sur les requêtes du nom de l’entreprise ou de la marque, ce qui m’étonne doublement.

D’une part, je ne pense pas que l’on puisse réduire l’opinion sur une entreprise à la saisie de son nom. La communication corporate se fonde sur différents piliers que sont la communication RH, financière, etc etc. Elle dépend aussi de celle de ses produits, de celle de ses dirigeants, …

D’autre part, prenons le problème à l’envers : elle dépend aussi de son manque de notoriété. Par exemple, le nombre de personnes ayant tapé dans Google « laboratoire Mediator » au lieu de « Servier »ne doit pas être négligeable. La question est d’autant plus actuelle dans un secteur dont la publicité est limitée comme l’est celui de la santé.

Les critères et la méthode : God Save Google ?

Hospcotch a défini 5 indices intéressants pour calculer le score d’e-réputation des laboratoires : visibilité, intérêt, maîtrise du discours, qualité, recommandation. Ce sont 5 points intéressants à étudier. Mais j’ai bondi en apercevant la restriction faite à chacun de ces critères, qui sont limités à la première page des résultats Google.

Comme si le journaliste, faisant son article sur le Mediator s’arrêtait à cette première page. Comme si également le parcours d’information du consommateur –internaute débutait & finissait forcément par une requête sur Google : c’est sans compter la force d’avis exprimés sur des forums (encore mal référencés) ou sur certains réseaux sociaux, sans parler des blogs et media en ligne que ces consommateurs fréquentent et qui ne sont pas toujours en tête des requêtes.

Le bruit ? « Beaucoup de bruit sur certains noms de laboratoires (Roche, Lilly, Teva) qui oblige à évaluer l’indice sur des requêtes plus précises. » (diapositive 16) Je regrette de n’être pas petite souris (tout le monde sait qu’il y en a plein dans les immeubles parisiens… et qu’elles font peur aux Mammouths) pour entendre quels ont été ces sources considérées comme du bruit. N’est-ce pas l’enjeu de l’e-réputation ? Générer du bruit positif, et plus encore, guider l’internaute à travers le bruit pour accéder à l’information-source, institutionnelle.

Enfin, d’un point de vue typologique, est-il réellement pertinent de comparer des laboratoires distribuant principalement des produits en OTC ou en parapharmacie et des laboratoires commercialisant principalement des médicaments pour traitements lourds, avec un « public » plus restreint (comme leur communication) ?

Les médias sociaux dans l’étude

Pour prendre le sujet qui m’est cher des réseaux sociaux, le périmètre de ceux-ci est de même très limité :

  • Facebook, dont l’utilisation en France reste très personnelle et sur un cercle intime
  • et Twitter, encore réservé à un cercle réduit d’initiés, et inexhaustif.

Alors que d’autres réseaux leur tendent les bras (pour ne citer que les plus simples) : LinkedIn et Viadéo qui sont très pertinents dans l’information sur un mot clé corporate, Youtube très utilisé par les industries de la santé, mais aussi blogs, sites de bookmarking collaboratif, … et bien sûr les réseaux sociaux spécifiques à la santé : Carenity, Docatus, Sermo, Mypsink… Je suis également un peu déçue par le contenu de cette partie sur les réseaux sociaux. Inexhaustif sur Twitter : « seulement 3 laboratoires sur Twitter : Novartis, Pfizer et Biogaran » (diapositive 22), auquel j’ajoute au moins Bayer  et Sanofi pour la partie institutionnelle française (pour la partie internationale, je me réfère à l’article de Silja Chouquet ou la liste d’Andrew Spong), et les tweets de différents employés du secteur sur leur employeur. Concernant Facebook, je me permets de discuter la référence « Fan Page », qui n’implique pas forcément une notoriété de marque mais peut être un outil de communauté professionnel ou de communication RH. Et j’invite à compter également les applications ou sponsorisations d’application, profils, partage d’information, …

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Pour ma part, la problématique est moins « de quel laboratoire demande-t-on le plus d’information » que « la mesure du clivage entre la réputation institutionnelle et la réputation des produits ». Les 6 premières diapositives qui rappellent des bases très globales de la communication digitale, témoignent explicitement du public visé possédant des notions de communication digitale. J’entends encore (moment de grande humiliation qu’a posteriori je trouve justifié) la voix d’une de mes professeurs, me dire après un exposé qui m’aura demandé près de 15h de préparation : « c’est un très bon travail préparatoire à l’exposé que je vous ai demandé ». L’étude souffre du même manque dans sa problématique, ou peut être de trop de précipitation dans sa sortie. Je suppose que le baromètre aura une seconde édition. Une auto-promotion de l’agence qui éveillera certainement la curiosité de nombreux prospects.

Merci à Camille pour son temps, son avis et ses relectures.

Pour contacter 5eRUE, n’hésitez pas à me demander les coordonnées de l’agence.

[Update, 12 mai 2011 : Hier, l’agence Performance et Influence a mis en ligne une nouvelle étude : Étude sur l’e-réputation des laboratoires pharmaceutiques et de leur présence sur les réseaux sociaux. Opportune, l’étude met plus de relief dans son analyse. Et finit clairement par toutes ses prestations possibles, que les prospects sachent où ils mettent les pieds. Ma critique principale, pour comparer avec l’étude d’Hopscotch, est que la méthode utilisée pour l’enquête demeure confidentielle.]

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